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Cette association propose aux diplômés de l’Université d’Aquitaine un lieu de rencontre qui leur permette de garder vivante leur curiosité intellectuelle et de s’intéresser vivement à la vie de la Cité et de la Région

Pont de pierre

Actualités :

 

 

 

LE 17 NOVEMBRE 2020

                A l'occasion du Prix de la Nouvelle, décerné par l'Académie Française 

                                          à Chantal DETCHERRY pour son recueil :

                                                  Histoires à lire au crépuscule

                                  Gérard Peylet a organisé un entretien avec l'auteur,

                                               Prix Ardua-  Yolande Legrand 2016

Gérard Peylet :

Qu'éprouvez -vous aujourd'hui avec cette belle récompense nationale quand vous pensez au Prix Ardua ( Yolande Legrand ) reçu il y a quelques années après la parution de "La vie plus un chat" ?

 

Chantal Detcherry :

Je publie depuis 2000, mais j'ai passé six années à ne pouvoir écrire une seule page après la mort de mon mari, en 2008 : le deuil prenait toutes mes forces et m'anéantissait. J'ai repris pied dans la vie littéraire avec "La vie plus un chat", publié par Passiflore. En me décernant le prix Yolande Legrand en 2016 à la faveur de cette parution, Ardua m'a merveilleusement confortée dans le retour à l'écriture, m'a redonné confiance. J'y ai vu un signe faste pour m'inciter à continuer. Aujourd'hui, quatre ans après, pour "Histoires à lire au crépuscule" toujours aux Editions Passiflore, je reçois le Prix de la Nouvelle de L'Académie Française. C'est un honneur et une délicieuse surprise, j'en ressens une joie et une fierté très grandes. Ardua a été un précurseur et une sorte de bon ange.

Gérard Peylet :

En ce qui concerne la Rencontre que l'ARDUA a organisée en 2019 autour de votre oeuvre et dont les actes ont été publiés avait pour titre le" proche et le lointain : l'art de déchiffrer le monde". En quoi ce titre illustrait-il déjà particulièrement ce recueil de nouvelles que l'Académie Française récompense aujourd'hui ?

Chantal Detcherry  :

J'ai eu aussi cet honneur que mes livres fassent aussi l'objet d'une rencontre de spécialistes de la littérature, suivie de la publication de ces conférences-dont une très fine analyse de ces "Histoires à lire au crépuscule" par Nicole Pelletier-dans un volume qui vient de sortir. Pour ce qui est du titre de cette rencontre automnale de l'Ardua, "Le proche et le  lointain", cette expression s'est  imposée tout d'abord je crois pour des raisons géographiques, car mes premiers livres parlaient de voyages en pays lointains (l'Inde, le Sahara...) et que par ailleurs, j'avais aussi écrit sur l'estuaire de la Gironde, qui est mon pays d'enfance. Mais le proche et le lointain renvoient également à des notions plus existentielles, à savoir Soi et l'Autre, l'intime et l'en-dehors. Les nouvelles du recueil s'aventurent dans ces différents domaines. Pour ce qui est de "déchiffrer le monde", il me semble que toute entreprise littéraire est en quête de ce déchiffrement qui bien sûr se dérobe toujours...Proust, Rilke, Giono dont les oeuvres me nourrissent sans cesse, m'incitent à tenter moi aussi, à ma mesure, la pratique d'un art qui interroge le coeur du sensible.

Gérard Peylet :

Ce recueil ne confirme-t-il pas qu'après vos récits de voyage et vos poèmes sahariens vous êtes de plus en plus à l'écoute du mystère ?

Chantal Detcherry :

J'aime que les voyages me donnent accès à des territoires du mystère, ils peuvent être civilisationnels ou presque naturels. L'Inde est le pays le plus mystérieux que je connaisse : on y a l'impression de voyager à la fois dans l'espace et dans le temps, on y rencontre des coutumes et des rites très éloignés de notre cartésianisme occidental et qui peuvent nous paraître presque insensés. L'ethnologie est un fabuleux réservoir de mystères. Le Sahara où je suis aussi souvent allée, donne à  voir au contraire des paysages nus où il nous semble assister au début ( ou à la fin ) du monde. Sur les montagnes du Hoggar l'ermitage du Père de Foucauld propose une vue qui évoque irrésistiblement le sentiment de transcendance et amène puissamment à la spiritualité. Le mystère est partout dans le spectacle de la nature : c'est celui de sa beauté, de sa cruauté, de sa multiplicité qui semble infinie. Mais nous restons toujours sur le seuil du sens. Les nouvelles du recueil interceptent un peu de ce mystère,  non pas pour le résoudre ou l'interpréter mais plutôt pour l'aider à s'épanouir, à se diffracter, pour qu'il nous enveloppe et nous envahisse peu à peu. Mais nous restons sur le bord de la compréhension des choses. C'est comme le dit Borges :" l'imminence d'une révélation qui ne se fait pas ". Le mystère de la vie, celui de la beauté, celui de l'altérité restent inentamables. il y a seulement des signes qui nous permettent d'aller un peu plus loin sur ce chemin du mystère. Des coïncidences, des échos, des mises en abyme. Ce sont des sujets que mes nouvelles approchent.

Gérard Peylet :

Etes-vous d'accord avec Nicole Pelletier quand elle dit que dans huit nouvelles vous installez à chaque fois une rencontre du personnage avec le vivant qui l'entoure ?

Chantal Detcherry :

Oui, parfaitement. Le vivant qui nous entoure est le plus grand mystère. Les arbres, les plantes, les animaux grands et petits de toutes formes et de toutes couleurs. Les personnages de mes nouvelles vivent en osmose avec un milieu naturel particulier, que ce soit dans "Le Secret " dans "Némésis", "Nocturne" ou Samsâra" . Mais cette façon d'être au monde me paraît la chose la plus évidente, car notre vie sur terre est totalement tributaire de ces autres formes du vivant sans lesquelles nous ne pourrions ni respirer ni vivre. Nous sommes faits du même tissu même si nous nous efforçons de l'oublier. Peut-être mes personnages de fiction vont-ils plus près du coeur obscur, recherchent-ils davantage un lien profond, une autre manière de faire avec le monde, dans la fraternité avec les éléments. En raison de cette vision des choses, on ne peut dissocier dans mes écrits les moments narratifs des moments descriptifs, car le paysage, le monde sensible, sont des acteurs naturels de la narration, leur présence est essentielle au récit, inhérente à lui. L'homme n'est pas seul au monde, il n'existe pas sans le vivant autour de lui.

Gérard Peylet :

Je suis frappé par l'accès à des réalités profondes auxquelles la raison cartésienne ne peut avoir accès, ce qui me fait penser que ce recueil dense est d'inspiration romantique, contient une foi romantique.  Qu'en pensez-vous ?

Chantal Detcherry :

Je suis une grande lectrice de Hugo, de Nerval, de George Sand, des Romantiques allemands...Il y a chez ces auteurs une exploration de la poésie du monde par l'approche du sensible, par l'émotion, par le sens du sacré, par le goût de l'étrange, la fascination pour les épiphanies, le désir de déchiffrement. Par l'émerveillement aussi, cette dernière notion étant si absente de notre monde contemporain. Ils laissent le sens flotter, ils ouvrent des portes du rêve. Ils laissent venir à eux l'inconnu. Ce sont autant d'accès à nos propres profondeurs. Alors oui, je me sens dans une grande proximité avec les Romantiques.

Gérard  Peylet :

Fantastique, féerique, merveilleux, rêve, étrange, lequel de ces termes vous semble plus  juste ?

Chantal Detcherry :

Je les aime tous. Mais peut-être les trois  premiers désignent-ils des catégories trop bien définies. "Rêve" et "étrange" auront ma préférence. Dans ces nouvelles il y a peu de différence entre rêve et réalité. Disons que la réalité, si on la considère de très près, si on l'observe avec une grande attention, rejoint très facilement le domaine du rêve. C'est le cas pour cet insecte appelé "phasme" qui fait l'objet de la nouvelle "l'Apparition". C'est le cas pour le déroulement onirique d'une soirée au coeur d'une ville dont la réalité ne fait pas de doute dans "L'homme au sable". Ou encore pour ce dîner également bien réel dans "Du vol des scarabées..." où le personnage féminin agit de manière surprenante comme dans un rêve. On dit que le rêve est essentiel à notre vie ; que nous pourrions mourir si nous ne rêvions pas ( j'associe  rêves  nocturnes et diurnes). Je le crois. Le rêve nous habite constamment, nous qui sommes par ailleurs des corps physiques et tangibles. Du reste, les littéraires ne sont pas les seuls à célébrer le rêve : les grands scientifiques rêvent sur leurs découvertes, car la nature offre à l'humain d'infinis objets de surprise et de rêverie. L'étonnement et la rêverie sont étroitement liés. Le rêve est la trace de cet étonnement. Quant à l'étrange, eh bien oui, cela me fascine. C'est une lisière; c'est une frontière. Nous sommes dans le réel, mais de l'autre côté, tout près de nous, commence l'étrange. C'est le sens que porte le mot "crépuscule" dans mon titre. Ce moment ambigu où l'on ne sait pas trop ce quel'on voit, ce que l'on entend, où il y a des confusions, des incertitudes, où  le réel flotte et bouge. "Entre chien et loup"  selon la belle expression populaire. On ne distingue plus les formes. La sauvagerie n'est peut-être pas loin. L'étrange s'insinue en nous, nous trouble et nous perturbe. "L'inquiétante étrangeté" chère aux Romantiques (Hoffmann, Tieck, par exemple) expression par laquelle on a traduit le titre allemand de Freud "das Unheimliche", terme dans lequel on retrouve justement le familier joint au secret, l'intime lié à l'altérité, le proche et le lointain.

Gérard Peylet :

Enfin le bel article de Nicole Pelletier se termine par une question que j'ai envie de reprendre : "le sujet commun aux nouvelles n'est-il pas le lien perdu, manquant, recherché ?

Chantal Detcherry :

Oui, absolument. Nicole Pelletier a trouvé les mots justes. Tous mes personnages sont à la recherche du lien perdu. L'herboriste va vers l'estuaire dans " Le Secret", l'homme vers l'insecte dans "L'apparition", la jeune fille vers les arbres dans "Némésis", Viviane vers l'eau dans "La fiancée du mascaret" etc. Il y a à chaque fois une conscience obscure et douloureuse d'un lien perdu et un effort est tenté pour le renouer. Les personnages sont animés par un regret, un remord, et aussi une volonté d'essayer de s'approcher de ce "lointain" si proche. Ils tentent de ravauder la déchirure du monde qu'ils discernent très bien devant eux. Ils luttent pour que le monde soit plus harmonieux. Ce sont  à leur manière des résistants. Ils ne veulent pas oublier le Paradis originel qui leur échappe pourtant. Ils en ont le souvenir, ils pensent à tort ou à raison, qu'ils trouveront une porte pour y entrer à nouveau. 

Gérard Peylet :

Par quelle magie de l'écriture le lecteur peut-il dire comme Nicole Pelletier  "l'étrange s'est installé" ?

Chantal Detcherry :

Je ne sais pas à quel moment le lecteur sent qu'il est entré dans le pays de l'étrange... Tout ce que je sais, c'est que l'écriture est une opération de magie blanche. Il y a un moment où l'on passe "de l'autre côté". Les mots portent en eux une charge chamanique, ils s'appellent et se rencontrent comme sous l'effet d'un charme. Pour l'auteur en train d'écrire, un phénomène étonnant se produit alors, une sorte d'état hypnotique, une suspension de tout ce qui constitue la matérialité de l'être et du monde. L'écriture occupe à cet instant-là tout l'espace intérieur, on est tout entier happé par cette sorte de musique que l'on entend dans un état de conscience qui nous paraît à la fois opaque et extra-lucide.  On est alors comme libéré de la pesanteur et du temps. Il me semble que les musiciens et les peintres doivent ressentir cela aussi. Alors, ce que l'on écrit peut laisser éclore les étranges figures du songe, et le lecteur sera entraîné sans qu'il sache vraiment comment cela a commencé.

 

 

 

 

                    RENCONTRE  avec ALAIN VIRCONDELET :           

Le 16 juin à 13h30, l'ARDUA organise une manifestation autour d'Alain Vircondelet, Grand Prix 2019, à l'occasion de la publication par l'ARDUA du volume d'actes  :

                ALAIN VIRCONDELET Exil, mémoire et quête  (Éditions Passiflore).

      A l'auditorium  de la Bibliothèque  municipale de Bordeaux,de 13h30 à 18h30.                                                    

    

 

  • Cplloque avi      

 

 

                    

                             

                              

  •   Les arduans publient:
                                                        

- Chantal DETCHERRY: Le sentiment de l'estuaire, mai 2017, édition Le Festin.

- Michel SUFFRAN : réédition de L'aubier, juin 2017, édition La fontaine secrèt .

- Gerard PEYLET: L'Education en question aujourd'hui, Edilivre, octobre 2018.

- Sylvie GERMAIN : L'art d'être au monde, sous la direction , Agnès Lhermite, collection   de l'ARDUA "Présence de l'écrivain", éditions Passiflore.

- Corinne RIPPES : Exuvie (6 recueils poétiques), Az'art Ateliers Editions Toulouse,      novembre 2018.

-Chantal DETCHERRY : Histoires à lire au crépuscule, Editions Passiflore, 2019.

-Claude-Gilbert DUBOIS : Entre mythe et histoire: quelques cas de "clair-obscur" dans    l'histoire des débuts du Christianisme, Presses Universitaires de Bordeaux, collection  Eidôlon,n°126.      

- Jean-Yves LAURICHESSE : Lignes de terre. Écrire le monde rural aujourd'hui, Bibliothèque de Lettres Modernes, Minard, 2020.     

 -Chantal DETCHERRY : Visages de l'estuaire, Editions Le Festin, mai 2020.

-Chantal DETCHERRY : Nof, maîtresse de l'hirsute ou l'harmonie du saugrenu,

 Editions L'Atelier des Brisants, juillet 2020. 

-Gérard PEYLET: Ce territoire auquel on apppartient, Éditions Edilivre,octobre 2020.

- Chantal DETCHERRY : Beaux habitants de l'univers, Editions Passiflore, octobre 2020.   

Madeleine  LENOBLE  : Histoires douces amères, Colkection"Destins du monde", Les dossiers d'Aquitaine,decembre 2020

-Geneviève DUBOIS : Language en déshérence, L'Harmattan,  mars 2021.     

-Gérard PEYLET : En toute liberté Chroniques d'un citoyen humaniste, Éditions  Edilivre, avril 2021.   

- Gérard PEYLET : George Sand de l'universel à l'intime  : l'œil du coeur - PUB, Septembre 2021.                             

 

  •   à paraître:   

- Gerard PEYLET : Joseph Rouffanche, une grande voix poétique,

  Presses Universitaires de Limoges, décembre 2018.

 

 

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